Odeurs de minestrone et de basilic, saveurs de panettone, pas lourds de maçons fourbus qui rentraient le soir, poussant les vieux vélos lestés d'une planche ou d'un sac de ciment, le quartier de Choudy où je suis né avait des airs de petite Italie, Piémontais, Lombards, Vénitiens, Bergamasques, puis plus tard Calabrais ou Siciliens, vous avez bercé mon enfance de sonorités étranges, de mots inconnus et mystérieux, un mélange de couleurs et d’atmosphères qui m’ont donné envie de partir à dix-sept ans, sac à dos, voir ce qu’il y avait de l’autre côté du Mont-Cenis, Frères d’Italie, vos coups de gueule, vos cris vos rires et vos larmes ont été les miens.

Sans avoir une goutte de sang italien, j’ai eu la chance d’hériter, par procuration, d’un grand-père piémontais, mon cher Pietro Losero, rude travailleur dont je revois les mains noueuses et calleuses déplier un billet de banque pour illuminer notre modeste Noël.

Toute ma vie j’ai respiré l’Italie à travers sa musique, sa littérature, son cinéma mais surtout par les personnages uniques que j’y ai rencontrés. Enzo de Milan, Guido de Venise, Carlo de Susa, Gianfranco de Pesaro, Adriana de Turin, les Salvatore de Sicile, et tous les autres, êtes-vous bien réels ou êtes-vous sortis d’un film de Fellini ? Non, je sais que vous serez toujours sur ma route car le bon chemin est jalonné de sources. Parfois quand je flâne dans les rues de mon quartier qui a perdu son âme, il me suffit de fermer les yeux un instant et la petite Italie se remet à vivre. Je la porte en moi pour toujours……

"La petite Italie" . Patrick Liaudet, écrivain